Un autre regard sur le sac d'évacuation

Évacuer semble être dans l’esprit de pratiquement tous les survivalistes contemporains, à un point tel que nombre de discussions à ce sujet deviennent simplement ridicules.

Dans cet article, nous allons tâcher de porter un regard pratique sur les conditions justifiant une évacuation, et ce qu'elle devrait signifier dans un contexte déterminé.

Nous verrons comment mettre en place un plan réaliste, et surtout, la raison pour laquelle on devrait consacrer moins de temps à cet hypothétique "grand départ" du jour d’après...




Franchement, j’ignore d’où vient cette obsession du "Bug-out" dans la communauté survivaliste, mais il semble que partout où l’on regarde, n’importe quel livre ou forum que l’on consulte, il ne soit question que de plan d’évacuation, de sac, véhicule, et autre du même nom.

Commençons par le commencement : évacuer peut être absolument nécessaire dans de nombreux scénarios catastrophes, et un plan d’évacuation de même qu’un sac doit faire partie intégrante des préparatifs. Cependant, notez bien que j’ai volontairement utilisé le terme "faire partie".

Gardez à l’esprit que le simple fait de jeter quelques équipements en vrac dans un sac à dos et passer une arme en bandoulière ne fait pas de vous un survivaliste. Cela pourrait vous faire passer pour prêt (et encore) dans un scénario à deux balles de zombies hollywoodien, pour lesquels bon nombre semblent se passionner, mais ce n’est sûrement pas ce qui va vous aider en cas d’incendie de votre habitation, d’inondation, ou dans quelque hypothèse réaliste de désastre naturel.

Les priorités, tout est question de priorités…

Il existe fondamentalement trois sortes d’évacuation, toutes très différentes les uns des autres. Elles devraient, à ce titre, être préparées de manière différente et mises en œuvre à des moments différents. Ce classement est déterminé par les priorités, le temps de préparation, ainsi que la distance.

1/ L’évacuation immédiate : on doit laisser tomber ce que l’on était en train de faire, pour évacuer toute affaire cessante.

C’est le premier niveau dans l’échelle d’évacuation, qui n’a rien à voir avec un scénario de chaos, une pandémie, ou des hordes de mutants assiégeant votre maison pour vous piquer vos Kinders. Il concerne des événements tels qu’un incendie au domicile, une situation d’urgence, une menace immédiate de sécurité civile, ou le simple fait d’être coincé à l’extérieur de la maison.

Ces types de désastres sont parfaitement réels et malheureusement très courants. Ils devraient être les premiers à être pris en considération lors des préparatifs. Ils nécessitent fréquemment une évacuation immédiate, et ne laissent généralement pas même le temps de récupérer au passage son sac ou ses provisions, et encore moins une paire de pantalons de rechange.

C’est le genre de désastres pour lesquels vous avez besoin d’un endroit où aller et d’une personne qui puisse vous aider toute affaire cessante. Pas dans une heure, ni du genre : "Je vais appeler et voir ce qu’elle me dit", mais TOUT DE SUITE.

Votre meilleure mise pour ce genre d’éventualités va être vos voisins, ou votre famille proche. Je suis personnellement convaincu que le fait d’avoir établi des liens avec les gens de votre entourage immédiat est extrêmement important. Dans notre monde si individualiste, il semble que l’on accorde beaucoup moins d'intérêt aux relations de quartier, et c’est tout à fait regrettable.

Dans de telles situations, le fait de partir pour votre base de repli, ou même traverser la ville jusqu'à la demeure d’un ami ou d’un membre de la famille pourrait s’avérer impossible. Voici quelques exemples de scénarios ou le plan d’évacuation d’urgence se révélerait utile :

• C’est au milieu de la nuit que vos détecteurs de monoxyde de carbone se mettent en branle. Peut-être un départ d’incendie, une fuite de gaz, ou tout autre problème sérieux qui ferait que rester chez vous pourrait s’avérer mortel. Il faut que vous évacuiez SUR LE CHAMP. Mais il faut aussi que vous traitiez dans l’urgence avec le service public concerné, la compagnie d’assurance, ou les pompiers.
• Vous venez d’arriver à la maison, et vous apercevez que votre porte d’entrée est grande ouverte. Bien sûr, il est hors de question que vous entriez seul(e) ; vous avez besoin d’un endroit où aller pour vous mettre à l’abri en attendant la police.
• Votre épouse ou vos enfants sont seuls au domicile, et quelque chose survient : ils reçoivent un coup de téléphone menaçant, les sirènes se déclenchent, ou un bruit inhabituel les surprend. Quoi que ce soit, ils se sentent en danger et n’ont pas les moyens de rejoindre un endroit trop éloigné.

Il existe beaucoup de situations de ce genre. Ne serait-il pas commode d’avoir quelque voisin à proximité immédiate chez qui vous pourriez vous rendre à tout moment pour demander de l’aide ? C’est la raison pour laquelle si vous n’êtes pas en bons termes avec eux, vous devriez vraiment essayer de remédier à cette situation.

2/ On dispose de 5 minutes chrono pour évacuer avant que quelque chose de vraiment grave se produise.

C’est le second niveau. Peut-être moins fréquent que le précédent, mais qui doit aussi être planifié car il pourrait bien se produire un jour. C’est le genre d’évacuation où il faut partir sans attendre, mais qui laisse un minimum de temps pour attraper quelques affaires au passage. C’est le scénario type du Bug-Out-Bag, ou sac d’évacuation, qui va nous donner l’occasion d’en parler de manière constructive.

Tout d’abord, voyons quelques scénarios susceptibles d’entraîner sa mise en application :

• Les pompiers ont été dans l’impossibilité de contenir un large feu à proximité de votre maison, qui se trouve directement sur le passage. On vous donne 5 minutes pour rassembler vos affaires et plier bagages. Etant originaire de la Côte d’Azur, région traditionnellement ravagée par les feux de forêts, je peux vous garantir qu’un tel scénario est loin d'être exceptionnel.
• Une tempête de neige a détruit les capacités en approvisionnement électrique de toute la ville. Vous n’avez pas de générateur ni de moyens de chauffage alternatifs, ou peut-être pas suffisamment pour tenir plus d’un jour. Ce pourrait ne pas être un scénario " 5 minutes " pour certaines personnes, mais ce pourrait l’être pour d’autres, tout particulièrement ceux qui ont des enfants en bas âge. Quel que soit votre situation, il va falloir que vous partiez et vous allez avoir besoin d’un plan.
• Des émeutes ont éclaté à quelque endroit de la ville où vous habitez. Les reportages font état de pillages et la violence augmente d’heure en heure. De nouveau, il va falloir que vous partiez, mais il est probable que vous soyez de retour au bout de quelques jours. 

Il existe vraisemblablement de nombreux scénarios qui pourraient vous amener à devoir quitter votre domicile pour quelques jours avec un préavis très court. Cependant, cela ne signifie pas que vous devrez passer du rang de propriétaire à celui de réfugié. Cela signifie simplement qu’il va falloir que vous élaboriez un plan. Cela signifie qu’il faut que vous décidiez quels sont les équipements dont vous allez avoir besoin pour les jours qui suivent, où vous allez vous rendre, et par quel moyen.

Le sac d'évacuation

Si vous allez sur YouTube et que vous tapez "bug-out-bag", vous allez tomber sur quelque deux mille vidéos censées vous montrer la VRAIE façon de mettre en forme le MEILLEUR sac d’évacuation. Il existe des tonnes de revues d’équipements, de sacs, de sachets lyophilisés, etc. censés vous parer aux pires éventualités, et même des vidéos qui vous apprendront comment faire une "ceinture tactique d’évacuation".

Je suis désolé de dire à tous ces survivalistes pourtant dévoués que 99 % de leurs sacs vont être totalement inutiles dans un vrai scénario d’urgence tel que ceux qui pourraient se produire dans la réalité, et sans doute vont-ils regretter amèrement de n’avoir pas conçu quelque chose de plus réaliste...

C’est donc le moment de porter un regard pratique sur la chose et de détailler ce qu’un sac d’évacuation digne de ce nom devrait contenir. Rappelez-vous qu’il ne s’agit pas d'un kit de réponse à une attaque zombie, mais d’un outil susceptible de nous aider à nous amener de notre domicile jusqu'au point de repli prévu. C’est tout. Ce n’est pas un sac à la Bear Grylls pour les adeptes de la survie dans les bois, pas plus que celui des partisans du Grand soir. Au risque de décevoir ces incorrigibles turbulents, il s’agirait plutôt d’une simple valise prête au départ lorsque les circonstances l’exigeront.

Voici donc la liste de tout ce qui devrait se trouver à l’intérieur :

• Plusieurs ensembles complets de vêtements de rechange
• De la nourriture prête à être consommée, du style barres de céréales, énergétiques, chocolat, etc. contrairement à ce que l’on voit dans les films, vous n’allez probablement pas faire de feu et cuisiner votre cassoulet tout en pourfendant des hordes de zombies affamés. Vous allez plutôt vous retrouver chez un ami, un membre de votre famille, voire à l’hôtel, tout simplement.
• Une copie de vos documents administratifs. Pratiquement, cela consiste en une liste de vos contacts, certificats médicaux éventuels, assurances, détails financiers, permis, passeport, CNI, etc.
• Une petite lampe torche, un chargeur avec ses piles
• Un couteau suisse et un mini-nécessaire à couture
• Une trousse de premier secours
• Quelque chose à lire (ou peut-être un mini-ordinateur ou une tablette)
• Environ 3 mètres de paracorde (vous ne l’utiliserez peut-être pas, mais on peut faire tellement de choses avec pour un si petit volume qu’il faut en avoir)
• Un outil multifonctions
• Une bouteille d’eau par personne
• De l’argent liquide – le montant dépend de vous, mais assez dans tous les cas pour vivre plusieurs jours à l’extérieur.

Notez que je n’ai pas fait mention des 18 façons d’allumer un feu, de pièges, manuels de survie, lunettes de vision nocturne, ou des 15 manières de purifier de l’eau. La raison toute simple est que ces choses ne font pas partie d’un sac d’évacuation. Celles dont vous avez besoin sont celles qui doivent vous permettre de vous rendre d’un point A au point B, et de vivre à peu près normalement pour quelques jours quelle que soit la situation que vous quittez et en attendant que celle-ci s’améliore. Et dans 99 % des cas, votre destination va être pourvue en électricité, eau et nourriture.

Si vous voulez néanmoins emporter une panoplie complète de survie dans la brousse, ainsi que les ceintures tactiques avec les sifflets qui vont avec, alors allez-y… Mais soyons réaliste, vous savez comme moi que vous n’allez pas les utiliser, alors pourquoi vous les coltiner ?

3/ Il est temps de jouer les Rambo ; c’est l’heure de la grande évacuation !

Le troisième et dernier niveau dont nous allons discuter est celui qui semble le plus important aux yeux de nombreux survivalistes. En effet, le GRAND MOMENT est arrivé ! Il ne s’agit plus des petites évacuations de niveau 1 et 2 où il est prévu que l’on revienne sans trop tarder à la maison. Cette fois, c’est le grand jour : les hordes de zombies mutants sont en route, et l’apocalypse a déjà commencé.

Comme ce genre de scénario a autant de chances de se produire qu’être frappé par la foudre, gagner à la loterie, ou avoir des gens responsables au gouvernement, j’ai bien peur que cette troisième section soit relativement courte.

Dans le cadre d’une évacuation à long terme pour une destination éloignée, ce n’est pas d’un simple sac d’évacuation dont vous allez avoir besoin, mais d’une chaîne complète d’approvisionnement à tous les niveaux. La vérité est que d’ores et déjà vous n’avez pas assez d’équipements, et que vous n’en aurez jamais assez. Et encore moins les moyens de les emporter.

Vous allez vouloir être un expert dans les domaines de la chasse, la pêche et de la cueillette. Vous allez vouloir être le Nikola Tesla du système "D" ; En fait, un expert dans pratiquement toutes les branches de l'activité humaine, parce qu’il va falloir tout reconstruire depuis la base une fois que les cendres de l’apocalypse seront retombées.

La vérité est que personne ne sera jamais vraiment prêt pour une évacuation de ce niveau.

Bien entendu, cela ne signifie pas pour autant que de tels évènements ne se produiront pas, et que nous devons définitivement laisser tomber l’idée d’avoir à TOUT abandonner pour ne jamais revenir. Il y a toujours un risque, mais il est si faible... Pourquoi les survivalistes en font-ils toujours leur plus grosse priorité ?

La préparation ne consiste pas à avoir des aptitudes à la survie exceptionnelles. Ce n’est pas être le meilleur tireur, ou celui qui attrape le plus de poissons, celui qui a stocké le plus de choses au fond du garage, qui est capable de prendre le large avec un sac de 30 kilos sur le dos, ou qui possède le plus gros entraînement militaire.

La préparation consiste seulement à prendre les mesures aujourd'hui pour que notre vie demain soit plus facile, dans les bons moments comme dans les mauvais. C’est faire autant que l’on peut pour atténuer les coups du sort que la vie nous jette en travers de la route, aussi terribles qu’ils puissent paraître.

La préparation consiste à apprendre de nouvelles choses, et les enseigner aux autres. A devenir enfin responsable de notre vie et de notre devenir ; s'échapper de cette société dépendante que nous avons créée pour reprendre le contrôle de la part qui nous incombe. C’est sortir de notre moule conformiste et travailler en faveur de l’autosuffisance, pour construire une vie et un cadre qui puissent être transmis aux générations futures, de manière à ce qu’un jour peut-être, nous puissions retrouver beaucoup de tout ce que nous avons perdu.

Ce genre de vie ne peut pas se construire à partir d'un stock d'équipements emportés à la va-vite dans le coffre d'une voiture ou stockés dans un garage. Elle découle d'un choix véritable, et d'un long processus. Elizabeth, rédactrice du blog, nous disait dans un de ses articles qu'après avoir fait un tel choix, elle et sa famille n'étaient toujours pas autonome à 100 % au bout de 15 ans. Sérieusement, vous croyez vraiment que vous pourrez au lendemain de l'apocalypse arriver sur une terre inconnue et débuter une nouvelle vie avec seulement le contenu de votre sac à dos ?