Les raisons d'avoir peur d'un hiver nucléaire

Peut-être avez-vous entendu certains dire qu'ils aimeraient voir la Corée du Nord rayée de la carte. Peut-être l'avez-vous dit vous-même. Vous pourriez être d'accord avec les Américains qui pensent qu'il faudrait donner une bonne leçon à Kim Jong-un à travers la puissance de feu nucléaire américaine.

Peut-être êtes-vous d'accord avec ceux qui pensent, pour une myriade de raisons possibles, que la perspective de supprimer toute vie - dans la péninsule coréenne et chez ses voisins - n'est pas suffisante pour décourager l'idée de déchaîner des armes nucléaires en Corée du Nord. Vous avez peut-être raison, mais là n'est pas la question...



Au lieu de cela, j'aimerais qu'on envisage la possibilité d'un hiver nucléaire. C'est le terme utilisé pour décrire l'atmosphère de la Terre une fois enveloppée d'une épaisse couche de fumée, limitant les rayons du soleil et refroidissant la planète de façon significative - ou pire, provoquant l'obstruction complète du soleil.

L'hiver nucléaire est une notion essentiellement théorique, donnée par les scientifiques et les modèles informatiques comme quelque chose qui pourrait se produire sous certaines conditions. Ces conditions comprennent des quantités extrêmes de brouillards industriels, des incendies massifs, des volcans en éruption, et pour finir, une détonation nucléaire.

J'admets que je n'avais pas beaucoup réfléchi au concept de l'hiver nucléaire. C'est une idée qui était à la mode dans les dernières décennies du 20ème siècle, et qui a été délaissée depuis lors. Ou du moins, qui n'a pas attiré beaucoup d'attention. Mais j'ai récemment lu un article qui traitait du sujet, de la probabilité, ainsi que des répercussions en cas de conflit nucléaire, et cela m'a franchement effrayé.

Des nuages qui bloquent le soleil

L'idée de l'hiver nucléaire prend le souci que l'on pourrait avoir pour des personnes que l'on ne connait pas et qui vivent sur un continent lointain, pour le transporter dans notre propre arrière-cour. L'hiver nucléaire aurait, à tout le moins, de larges répercussions sur l'agriculture, causant une famine importante. Et dans le marché sans frontières d'aujourd'hui, même si vous et moi ne serions pas directement affectés par des nuages bloquant le soleil, nous ressentirions immanquablement ses effets.

Je n'ai jamais été le genre de survivaliste qui croit dans le stockage pour dix ans de riz, haricots et autres aliments secs ayant une longue durée de conservation. J'ai toujours pensé qu'il était beaucoup plus logique d'avoir de la terre et des compétences - ou des gens autour de soi qui les possèdent - d'être dur et autonome. Pourquoi avoir un bunker plein de nourriture transformée ? A la place, ne vaudrait-il pas mieux pouvoir cultiver, moissonner et remplir le sien par soi-même ? Bien sûr, les stocks sont toujours utiles pour le court terme, mais sur le long terme, il semblerait difficile de ne compter que sur eux.

Mais si les scientifiques ne se trompent pas, même un événement nucléaire à petite échelle pourrait entraîner la propagation d'un nuage sur une portion suffisante de l'atmosphère pour créer une famine importante. Et s'il n'y a pas de soleil du tout, toute la terre du monde, les compétences, et la résilience ne suffiront pas.

Carl Sagan, éminent astrophysicien du XXe siècle, fut l'un des premiers à avertir le monde de la possibilité d'un hiver nucléaire. Selon le New York Times, les prédictions de Sagan et d'autres scientifiques ont influencé les décisions des dirigeants des superpuissances et contribué à la fin de la guerre froide.

Des études successives ont suggéré que l'hiver nucléaire n'était pas une certitude, et que quelque chose de plus proche d'un "automne nucléaire" était davantage susceptible de se produire. Puis les gens l'ont finalement mis de côté, et oublié.

Les conséquences d'un hiver nucléaire

La théorie affirme que les explosions nucléaires auraient pour effet de déclencher des tempêtes de feu sur de nombreuses villes et forêts situées à proximité. De grands panaches de fumée, de suie et de poussière seraient soulevés par ces feux, puis emmenés par leur propre chaleur à des altitudes élevées où ils pourraient dériver pendant des semaines avant de retomber. Plusieurs centaines de millions de tonnes de fumée et de suie seraient dirigées par de forts vents d'Ouest en Est jusqu'à former une ceinture uniforme de particules entourant l'hémisphère Nord.

Ces épais nuages ​​noirs pourraient bloquer toute la lumière du soleil, à l'exception d'une fraction de celle-ci, pendant plusieurs semaines. Les conditions de semi-obscurité, de gelées mortelles et de températures glaciales, combinées à de fortes doses de rayonnement provenant des retombées nucléaires, interrompraient la photosynthèse des plantes et pourraient ainsi détruire une grande partie de la végétation et de la vie animale (raréfaction des plantes, puis des herbivores, puis des carnivores faute de nourriture).

Le froid extrême, les niveaux élevés de rayonnement et la destruction généralisée des infrastructures industrielles, médicales et de transport, ainsi que des approvisionnements alimentaires et des récoltes, provoqueraient un nombre considérable de décès dus à la famine, à l'exposition, et aux maladies.

Les radiations seraient meurtrières pour les êtres vivants dans les zones de retombées, du moins pendant les premières semaines. Les oxydes d’azote générés par les explosions et injectés dans la stratosphère dégraderaient la couche d’ozone. La forte élévation en rayonnements ultraviolets qui en résulterait aurait un effet délétère sur la vie végétale et animale. Cet effet serait encore plus persistant que ceux d’un hiver nucléaire car il faudrait attendre la restauration de la couche d’ozone.

Il n'est pas certain qu'une guerre nucléaire produirait un effet d'hiver nucléaire. Cependant, cela reste une possibilité. Bien qu’il soit certain qu’une telle guerre serait hautement dévastatrice, le degré des dommages imposés à la Terre en général reste sujet à controverse.

La science derrière les mots

Depuis quelque temps, le sujet de l'hiver nucléaire et de ses répercussions mondiales possibles fait à nouveau parler de lui, alors que les tensions montent à divers endroits du globe et que la menace d'une explosion nucléaire est plus réelle qu'elle ne l'est depuis des décennies. Les scientifiques en profitent pour nous rappeler que l'hiver nucléaire est un fait bien réel, et c'est un gros problème. Dans une "Lettre ouverte au président Trump" datée de janvier 2017 sur les armes nucléaires et l'hiver qui découlerait de leur utilisation, Alan Robock, professeur de science du climat, a fait cette sombre constatation :

Dans les années 1980 (...), des scientifiques ont découvert que la fumée des incendies allumés par les explosions nucléaires serait si dense qu'elle bloquerait le soleil, rendant la Terre froide, sombre et sèche, tuant les plantes et empêchant toute culture pendant au moins un an. Dans la dernière décennie (...), en utilisant des modèles climatiques et des ordinateurs modernes, j'ai trouvé que cette théorie de l'hiver nucléaire était correcte, que les effets persisteraient pendant plus d'une décennie, et que les arsenaux nucléaires réduits (programme New START) produiraient tout de même cet hiver nucléaire.

Ce sont des paroles dures. Suffisamment pour que les gens relèvent la tête et soient attentifs, et assez fortes pour qu'un survivaliste tel que moi commence à rêver d'un bunker plein de nourriture.

Et ce Monsieur n'est pas le premier venu ! Alan Robock est un climatologue américain, professeur émérite au Département des sciences de l'environnement à l'Université Rutgers dans le New Jersey. Il prône le désarmement nucléaire et a rencontré Fidel Castro lors d'un voyage conférence à Cuba qui traitait des dangers des armes nucléaires.

Après avoir parcouru ses diverses publications (http://people.envsci.rutgers.edu/robock/), et connaissant certaines prophéties sur ce qui est censé nous attendre, j'ai réfléchi à ce que cet expert avait dit, ainsi qu'aux implications potentielles dans nos propres vies. Devrions-nous commencer à construire un bunker plein de réserves qui tiendrait la durée d'un hiver nucléaire ? Faut-il attendre d'apprendre aux nouvelles que le premier missile soit lancé, puis courir au dernier moment pour vider nos comptes dans l'achat de pâtes et de conserves ? Devrions-nous espérer et prier pour que les têtes plus sensées l'emportent et qu'une crise majeure soit évitée ?

Certains pourraient rejeter la probabilité d'un hiver, ou même d'un automne nucléaire. Il est vrai que les scientifiques n'ont pas toujours raison lorsqu'il prévoient l'avenir. Aucun d'entre eux n'est infaillible. Un cardiologue ne peut pas dire avec une certitude absolue si vous aurez une deuxième crise cardiaque. Les météorologues se trompent souvent sur le temps qu'il fera le lendemain. Les gens intelligents font bien de maintenir un minimum de scepticisme.

Mais il est aussi un fait que les experts en savent plus que nous dans leur domaine. Par exemple, je peux vous assurer que vous serez beaucoup plus en sécurité pour traverser en voiture un pont qui a été conçu par des ingénieurs, plutôt que par moi. Faire contrôler vos dents par un dentiste est sans doute un meilleur choix que de demander au gars au comptoir de le faire. Nous ne pouvons pas être des spécialistes dans tous les domaines de notre vie. Nous ne pouvons pas être nos propres pédiatres, électriciens, ingénieurs, constructeurs de maisons, astronautes, et autres domaines scientifiques sur lesquels la plupart d'entre nous comptent pour leur vie quotidienne. En dernier ressort, nous devons faire confiance à l'interprétation de la science de quelqu'un d'autre, et à ses éventuelles prévisions sur ce qui pourrait arriver.

Et ce que disent des scientifiques comme Alan Robock, c'est qu'une guerre nucléaire pourrait être un désastre absolu pour la planète ; pas seulement pour les gens et le paysage dans le voisinage immédiat, et pas seulement pour une courte période de temps. Cela pourrait être littéralement la fin du monde tel que nous le connaissons. Ils ont peut-être tort, mais comme l'a dit Sagan, "Je ne voudrais pas parier ma vie là-dessus"...